samedi 30 mars 2013

Les être humains sont des optimistes...

Préface de David Shenk* au livre Infobésité : comprendre et maîtriser la déferlante d'informations

Traduction de l'anglais par Sabine Rolland

Les êtres humains sont des optimistes et des progressistes incorrigibles. Nous n'aimons pas entendre parler de problèmes insolubles. Les maladies peuvent être guéries. La pollution peut être éliminée. Les espèces menacées peuvent être sauvées.

Néanmoins, nous voyons émerger un problème qui ne peut que s'aggraver : entre aujourd'hui et la prochaine supernova, les informations et la communication seront de plus en plus bon marché, rapides et accessibles ; et nous n'arriverons jamais à suivre. L'information est devenue un polluant permanent.

Naturellement, ce phénomène est aussi le titre de gloire de la réussite de l'homme, et c'est bien là le hic. Tant de choses fabuleuses accompagnent l'accroissement de la rapidité et du volume des informations échangées. Cette révolution, nous l'avons voulue et nous la payons au prix fort. Par conséquent, notre critique héroïque à l'égard de la technologie est sur la corde raide. Elle doit tenter de débattre d'un problème majeur qui est A) permanent et B) lié à un progrès réel. Difficile.

Lorsque le concept de "data smog" (littéralement "brouillard de données") a été introduit pour la première fois en 1993 et fait l'objet d'un livre en 1997, beaucoup de gens n'ont pas su comment réagir. Internet représentait quelque chose de totalement nouveau pour la plupart et c'était les premiers avertissements qu'ils entendaient. Certains ont cru que je voulais la mort d'Internet. Bien sûr que non. Je pensais que la Toile était une merveille. J'adorais les courriels et les ordinateurs personnels. Lorsque l'iPhone et l'iPad sont arrivés, je les ai aussi adoptés (vous n'imaginez pas le nombre de produits Apple que je possède !). Mais je voyais également que tout cela n'allait pas sans certains compromis et il me semblait important de reconnaître ces inconvénients alors que la société accueillait à bras ouverts les nombreux avantages incontestables des nouvelles technologies.

Vingt ans ont passé. Tous ceux qui ont choisi de ne pas vivre dans une grotte comprennent maintenant très bien ce que signifie "être inondé d'informations". Et pourtant, certains répugnent toujours à débattre du problème parce que la déferlante numérique n'est pas prête de ralentir. La prolifération de l'information est une constante.

Nous devons voir les choses en face - nous tous, en tant qu'individus. Ce n'est pas avouer sa défaite, mais au contraire faire preuve de courage que de reconnaître que certaines forces sont incontrôlables. L'admettre et le comprendre permet des ajustements. Woody Allen a dit un jour que se montrer compte pour 80% dans la réussite d'un individu. Personnellement, je pense qu'au moins 80 % de la lutte contre la surcharge d'information est d'oser la regarder en face.

Une fois que nous aurons vraiment admis que nous vivons, non seulement à l'Ere de l'Information, mais aussi à l'Ere de la Distraction, nous pourrons choisir comment nous voulons gérer cette situation. Préférons-nous une vie "surcaféinée", trépidante et excitante, ou une existence plus calme et plus contemplative ? Ou un mélange des deux soigneusement dosé ? Après avoir fait ce choix, nous pourrons sélectionner avec soin les outils que nous utiliserons et décider précisément de la manière dont nous nous en servirons. Nous veillerons à ne pas nous laisser exploiter par eux. Nous veillerons à avoir du silence quand nous réclamons du silence et à être connectés à la sphère informationnelle quand nous en avons besoin. C'est nous qui poserons nos conditions. Et c'est quelque chose dont nous pouvons nous réjouir.

David SHENK
Février 2013
Brooklyn, NY

* Auteur et journaliste, David Shenk, inventeur du terme "infobesity" a notamment écrit en 1997 un ouvrage fondateur sur le sujet, Data Smog, Surviving the Information Glut.

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