mardi 5 mars 2013

L'abus de mails génère du stress

Le Soir - 5 septembre 2012

Travail : l'infobésité gagne les entreprises et interpelle les experts


« Entre le courrier indésirable, les mails inutiles ou abusifs, les newsletters, les messages internes à rallonge, je sature complètement ! », soupire Eric, 32 ans, de Bruxelles.

Comme des milliers de travailleurs, cet employé dans une boîte de télécoms est plus que jamais en surcharge informationnelle, comme l'appellent les chercheurs. Un phénomène d'infobésité qui touche de plus en plus d'entreprises et n'est pas sans effets sur le bien-être au travail (stress, perte de temps, surcharge d'activité…).

« Alors que le courrier électronique est censé fluidifier l'information, il aboutit de plus en plus souvent au résultat inverse, constate Caroline Sauvajol-Rialland, maître de conférence à l'UCL et auteur d'un ouvrage à paraître sur le sujet. De plus en plus d'employés et surtout de cadres, ne parviennent plus à absorber, traiter, hiérarchiser ou même lire ce flux continu d'informations. »

L'Observatoire français sur la responsabilité sociétale des entreprises a récemment mené une étude qui montre que « mal maîtrisée ou utilisée à mauvais escient », la messagerie électronique est « un outil dévastateur au sein d'une organisation ».

Cette étude met en lumière les avantages du mail (simplicité, rapidité, stockage…) et ses effets négatifs : le courriel implique de la perte de temps ; génère un sentiment d'urgence ; augmente les interruptions ; accélère les rythmes de travail ; déclenche du stress et de la pression, etc.

« Le fait que les entreprises imposent à leurs cadres notamment d'être hyperconnectés et disponibles à tout moment renforce ce sentiment d'urgence et de stress », constate Touria Baladi, médecin du travail (APBMT).

Or, poursuit Caroline Sauvajol-Rialland (UCL), cette « infobésité » est très peu prise en compte dans les entreprises : « On considère souvent qu'il s'agit d'un problème secondaire à côté des enjeux de productivité. C'est une grossière erreur. Quand on sait que le volume d'information disponible en format numérique double tous les quatre ans, on peut s'inquiéter pour l'avenir. »

Certaines entreprises ont décidé de prendre le problème à bras-le-corps en diffusant une « charte d'utilisation de la messagerie électronique » (pas de mail le matin ou après 19 h…) ; en bloquant certains types de mails ; en invitant leurs employés à une gestion rationnelle de leurs courriels (nombre, temps d'envoi, traitement postposé…). « Les responsables des ressources humaines, les syndicats et les experts en prévention commencent à s'intéresser doucement au problème, note la chercheuse de l'UCL. Mais pour être efficace, cette réflexion doit être menée à l'échelle de l'entreprise en fonction de sa culture, des modes de communication, de l'usage du mail. En s'interrogeant sur les effets psychosociaux de cette pollution informationnelle, sur l'usage des nouvelles technologies et le « droit à la déconnexion ». Car, in fine, c'est le bien-être des travailleurs qui est en jeu. » 

Hugues DORZEE

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