mercredi 19 décembre 2012

Mieux s'informer pour mieux communiquer : l'interview

Une interview de Caroline Sauvajol-Rialland

Si l'information participe au processus de décision et constitue le « nerf de la guerre » de la vie en entreprise, la communication est l'enjeu majeur du XXIe siècle afin de créer les conditions pour que les personnes puissent vivre et travailler ensemble. Premier ouvrage qui fait le lien entre l'information et la communication, « Mieux s'informer pour mieux communiquer » permet aux professionnels de décrypter le processus d'information qu'ils expérimentent au quotidien, de développer leur aptitude à l'analyse critique et leur donne les clés pour se doter de leur propre système d'information utile et efficace. Rendre son rapport à l'information plus conscient et moins subi et réussir à la maîtriser sont des enjeux essentiels de la vie en entreprise !

Quelle est « l'actualité » de l'ouvrage ? Pourquoi l'information est-elle essentielle dans l'organisation ?

Dans notre « société globale d'information », la veille sur l'information est obligatoire. Elle permet à l'individu de se situer dans son environnement (repérage temporel et spatial), d'analyser et d'anticiper les situations auxquelles il doit faire face. Elle est indispensable pour comprendre les événements extérieurs et prendre des décisions de façon éclairée. Elle participe à la création de valeur. Détenir l'information et l'utiliser au bon moment et à bon escient est un enjeu fort de la vie professionnelle. Avec deux écueils majeurs : la désinformation mais aussi la surinformation. A cet égard, le développement des nouvelles technologies en modifiant profondément les pratiques d'information et de communication des organisations, ont créé autant de nouvelles opportunités que de risques et de contraintes ! C'est le paradoxe d'une information à la fois omniprésente mais inutile, surabondante mais trébuchant sur l'essentiel !

Un individu au travail est producteur et utilisateur d'informations et de relations. Il est alimenté, s'alimente en informations et informe les autres. Et il est lui-même inséré dans un ou plusieurs systèmes d'informations. Un micro-système individuel tout d'abord. Pour accomplir ses tâches, il résout des problèmes, il prend des décisions, avec une marge d'autonomie réelle, même s'il agit dans le cadre de directives, règles et échéances qui constituent autant d'informations à gérer. Il appartient aussi à un collectif (système d'information de l'entreprise) avec des instances de régulation et de contrôle de l'activité qui produisent également des informations. Enfin, il appartient à un ou à plusieurs groupes sociaux (celui des anciens élèves de son école par exemple) qui construisent son référentiel individuel et collectif. Chacun a son langage, ses références, ses représentations. Un individu au sein de l'entreprise émarge donc à plusieurs systèmes d'informations qui viennent se juxtaposer et qu'il faut savoir identifier et utiliser. C'est la vocation de cet ouvrage. L'entreprise a mis au point son propre système d'information. L'acteur de l'entreprise doit impérativement créer le sien, le faire évoluer dans le temps et apprendre à exploiter l'ensemble de ses ressources informationnelles.

Quelle est son originalité ?

L'approche croisée théorique et pratique des liens entre l'information et la communication en entreprise est nouvelle. Elle correspond pourtant à l'expérience vécue quotidiennement par ses collaborateurs !

Information et communication sont des notions étroitement liées mais cependant distinctes. L'information prend une signification pour un acteur donné, au travers d'une communication. La communication étant un processus interactif de construction du sens, lequel s'élabore dans l'interprétation, la sélection, voire la déformation du message ou encore sa manipulation. Dès lors, on parle de communication quand non seulement on s'informe mais, en outre, que l'on s'adapte à son interlocuteur, à son système de valeurs, à ses capacités de compréhension, à sa sensibilité. La communication s'inscrit donc toujours dans un contexte donné porteur de culture et de valeurs partagées (ou non), de règles et de normes, de modèles et de rituels.  Et chaque acteur communique avec son identité, ses valeurs, son comportement, son attitude, sa culture, sa personnalité. En mettant en œuvre des stratégies conscientes ou inconscientes pour informer, influencer, créer et maintenir une relation, faire passer une image etc… On est dans la construction de la relation et pas seulement dans la transmission d'une information.

Vous évoquez des enjeux contradictoires vis-à-vis de l'information au sein de l'organisation… Qu'en est-il ?

Il existe de forts enjeux de pouvoir autour de l'information au sein de l'entreprise. Les relations sociales liées à la gestion du « capital information » au sein de l'entreprise ne sont pas exemptes de rapports de domination et de calculs…

Pour Davenport et Prusack (Working Knowledge, 1998) : « Ce sont des gens (seuls ou en entreprise) qui transforment des données en informations et des informations en connaissances et des connaissances en compétences ».

A travers leur système d'information et leur politique de Knowledge Management, les organisations tentent de s'approprier et de pérenniser les connaissances en leur sein, au-delà des compétences des uns et des autres. Ce qui peut entraîner une méfiance des acteurs impliqués : une fois leurs connaissances intégrées au système d'information de l'entreprise, quelle sera leur valeur ajoutée ?

En réalité, l'instrumentalisation de l'activité d'information par l'organisation est limitée de fait. L'acteur dispose d'une marge de liberté et d'autonomie pour choisir ses ressources en fonction de sa personnalité, de ses compétences et de ses objectifs… et pour travailler (ou non) avec autrui.

L'entourer de systèmes d'informations et d'outils divers en espérant qu'il s'en servira relève de l'utopie ! La question de l'adéquation des intérêts privés et de l'intérêt collectif, ou bien commun informationnel ne pourra être éludée. Et un accompagnement sur les enjeux des nouvelles formes de travail collectif est nécessaire.

Pour Robert Escarpit, « c'est à nous de décider si le fil par lequel Shannon fait passer ses bits servira à nous étrangler les uns après les autres ou s'il nous donnera la vie unanime d'une conversation dans laquelle chacun aura son mot à dire ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire