vendredi 5 septembre 2014

Tous connectés volontaires ? Pas si sûr...

"Si les enfants sont trop connectés à leurs portables et autres consoles de jeux, ils ne sont pas les seuls. Leurs parents (...) sont incapables de décrocher" estime la journaliste Christine Lagoutte dans un article publié sur le site Internet du Figaro* le jeudi 4 septembre 2014.

Oui ! Les cadres sont aujourd'hui connectés en permanence, pendus chaque jour et souvent la nuit à leur téléphone portable. Ils vivent donc au quotidien sous la pression des multiples sollicitations dont ils sont les destinataires - essentiellement les mails -, y compris sur leur temps personnel et familial.

Mais... contrairement aux enfants, la disponibilité constante des adultes est majoritairement subie ! Et si elle a été rendue possible par l'introduction relativement récente (1994) des technologies de l'information et de la communication (TIC), celles-ci n'en sont pas la cause...

Cette obligation d'être joignable à toutes heures répond aux impératifs de compétitivité économique et aux exigences de flexibilité nées de l'économie mondialisée. Nous sommes confrontés à des exigences de plus en plus fortes de productivité et d'efficacité. Toujours plus, toujours plus vite... "L'homme moderne vit désormais dans une temporalité immédiate" explique Nicole Aubert. La culture managériale qui érige en religion l'hyperréactivité des cadres en est une conséquence.

Ce nouvel environnement est marqué par l'incertitude et est hautement anxiogène. Le travail sous TIC ne nous fait-il pas replonger dans l'ère industrielle du travail à la chaîne quand ces technologies étaient sensées nous en libérer ? Bien sûr, il ne s'agit plus ici de parler de "travail manuel à la chaîne" mais de "travail intellectuel à la chaîne", avec le même rythme cadencé, avec la même automatisation des gestes... Quoi qu'il en soit la pénibilité du travail s'est accrue des 20 dernières années. Or, nos facultés d'adaptation ne sont pas extensibles à l'infini et pour Nicole Aubert finiront par apparaître 2 types d'individus, l'individu "adapté", multi-bras et multi-prises, qui jouit de l'accélération et l'individu "pulvérisé" par la vitesse d'une société qui l'écrase...

Il reste qu'en entreprise, certains ont le pouvoir de se déconnecter - les cadres dirigeants - quand la plupart - tous les autres - ont le devoir de rester connectés. Les TIC symbolisent désormais autant la mobilité que le maintien des liens hiérarchiques...

Nous nous inquiétons hier de la fracture numérique qui séparait les "équipés" des "non équipés". Etre ou ne pas être connectés à Internet... Aujourd'hui, cette fracture oppose d'une part les personnes qui maîtrisent les outils aux autres, ceux qui ne savent pas. Et d'autre part, ceux qui peuvent s'offrir le luxe de se "débrancher" à ceux qui vivent dans l'interpellation permanente...

Pour aller plus loin :

- Hyperperformance et combustion de soi, Nicole Aubert, Etudes, 2006/10, Tome 405, S.E.R., p. 339-351

- Le coût de l'excellence, Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac, Editions du Seuil 2007, nouvelle édition

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